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Festival International de l'Art Contemporain

3ème édition

20ème commémoration de la disparition de Mohamed KHADDA - Le retour

Du 05 mai 2011 au 03 février 2012 Lieu du festival : MAMA

Cette troisième édition du Festival International de l’Art Contemporain d’Alger s’est scindée en deux parties : - Une exposition sur le peintre algérien Mohamed Khadda du 04 mai au 30 juin 2011 suivie d’une table ronde le 07 et le 08 mai 2011 au MAMA. - Une exposition collective international « le retour » du 04 décembre 2011 au 03 février 2012

A travers Mohamed Khadda, le Mama a voulu célébrer une féconde période de puissante invention picturale. Une vie de peinture «évolutive, intellectuelle, spontanée», une peinture de la liberté qui débuta juste après l’Indépendance du pays et dont Mohamed Khadda est une des figures emblématiques.

Présenter l’œuvre de Khadda à l’occasion du 20ème  anniversaire de son décès fut pour moi, durant toute la préparation (et le sera sans doute pendant toute la durée de l’exposition) source d’une grande émotion où l’infini plaisir que procurent généralement les rétrospectives de grandes œuvres le dispute, dans mon esprit, au regret, intensément ravivé, d’une disparition prématurée.

Le monde de la culture et, singulièrement, celui de la peinture a été, pour les gens de ma génération, marqué par les personnages hauts en couleurs que furent ces ‘inventeurs’ de la peinture algérienne moderne dont Khadda faisait partie et qui, à l’aube de l’indépendance, ont illuminé les rares cimaises d’Alger et du pays en construction. A la fin de la guerre d’Indépendance, Alger connaît une atmosphère intellectuelle et artistique euphorique. Les noirs souvenirs de la colonisation et les traumatismes qui en résultent sont omniprésents mais la construction du futur est dans les têtes et les cœurs.

Dans ce bouillonnement de l’après-guerre, la figure de Khadda occupait une place particulière. Sa présence dans le paysage algérois était paradoxale : faite d’une extrême discrétion, voire d’effacement, et, en même temps, d’une occupation constante de tous les fronts culturels. Or, ceux-ci étaient alors, à la fois fort riches en débats et demandeurs de structures et d’organisation et Khadda s’y impliquait pleinement. A l’image des grands artistes, Khadda pense que la fonction de l’Art est de révéler à l’être humain « sa grandeur et sa dignité».

Confondant le plaisir de vivre avec celui de peindre, Khadda adopta le langage non-figuratif pour exprimer une réalité intérieure et extérieure pleine de couleurs, d’émotion, de poésie et de beauté.

Des petits formats aux grands formats, Mohamed Khadda privilégie le geste spontané, la touche fluide et rapide, et utilise une gamme chromatique sensible aux contrastes prononcés et à des formes informelles qui laissent apparaître des espaces picturaux ouverts.

En quête d’un espace invisible, d’un lieu où l’on se sent toujours en harmonie avec soi-même et avec le monde ; même dans des formes contradictoires, ses tableaux, à travers la couleur, demeurent un espace où le rêve s’inscrit et s’étire dans le temps.

Aussi est-ce avec une grande nostalgie que je me suis replongé dans ce travail multidirectionnel de Khadda qui me fait penser à un texte de Goethe: « Je reste toujours pareil à moi-même au sein de mes innombrables métaphores. Les branches trop multiples ne sont un danger que si le tronc est fragile. » Ce qui est loin d’être le cas de Khadda.

Ses visions apparaissent progressivement et ne s’arrêtent pas à l’aspect extérieur des choses. Ses secrets nous sont livrés peu à peu et nous entraînent alors dans une peinture où les ombres et la lumière se révèlent, le trait devient plus net, la magie de la couleur opère pour livrer une peinture subtile où les multiples nuances des ocres, des gris, des rouges, des bleus, des verts font vibrer la toile comme palpite l’esprit dans sa quête...

Sa palette cultive la joie, la tristesse, la mélancolie comme on cultiverait une amitié profonde et sans restriction. Les couleurs sont en étroites relations et s’épanouissent avec une transparence personnelle qui porte l’émotion dans l’âme. Les frontières, les espaces et les surfaces éclatent d’une beauté attachée à la vue et à la sensibilité de ceux qui regardent ses œuvres.

Mohamed Khadda recherchait la lumière, l’équilibre des formes et de façon plus absolue la beauté de l’harmonie et du parfait à travers un cheminement intérieur. Peindre le mouvement pour lui même, sans référence à un objet particulier ; capter l’émergence, la dissolution, la fusion, l’éclatement, la transformation de cette forme dans l’espace de la toile sans avoir à démontrer ou imposer ; laisser chacun libre de créer sa propre vision ; suggérer plutôt que dire et entrevoir dans chaque peinture la part d’inachevé qui laisse possible sur la même toile une infinité d’autres peintures.

Dans certaines œuvres, le signe s’estompe au profit de la tache pour laisser place à des espaces picturaux plus ouverts, parfois flottants ; le motif n’est plus centré, assujetti au cadre du tableau, mais traverse le champ pictural, se poursuivant à l’extérieur, évoquant un hors champ.

Derrière l’image traditionnelle du peintre abstrait gestuel et lyrique, Khadda manifeste un goût affectif pour les instruments de la création - brosses, pinceaux, papier, toile, carton, etc. Il sait se laisser guider par le matériau quand celui-ci lui convient car moyens et but sont intimement liés dans son œuvre.

Toute l’œuvre de Khadda laisse à penser que l’incertain et l’improbable restent encore à peindre : il nous projette de toile en toile dans un monde jamais ouvert aux hommes auparavant, sans aucune violence.

Spasséisme aucun, je souhaite que les jeunes visiteurs de cette exposition s’imprègnent de cet esprit fait d’audace, de liberté et d’exigence qui anima les artistes de cette génération et dont Khadda représente une sorte d’image exemplaire par le sérieux et l’allant qu’il apportait dans chacune des entreprises, chacune des tâches dans lesquelles il s’engageait.

Que ce soit dans la confection d’une maquette de livre ou d’un logo (réalisés dans le cadre de son travail dit alimentaire) ; que ce soit dans la création de la plus spontanée de ses aquarelles, de la plus élaborée de ses toiles ou de la plus concise de ses gravures ; que ce soit encore dans la rigueur de sa réflexion quand il écrivait ou intervenait dans un débat ; que ce soit enfin, plus simplement, dans les échanges amicaux qu’il entretenait avec les artistes d’autres disciplines (cinéma, théâtre, littérature...) le plus souvent dans sa maison-atelier qui était un des lieux de ralliement de l’intelligentsia de l’époque.

Mais les moins jeunes trouveront aussi dans cette exposition/hommage la reviviscence du climat d’intense créativité qui caractérisa notre champ culturel dans les premières décennies de l’Algérie indépendante. Ils y trouveront/retrouveront cet ancrage profond et dans la tradition plastique de notre Maghreb et cette appropriation magistralement intégrée et décomplexée des esthétiques d’autres contrées : l’européenne, bien sûr, qui fut son socle et son horizon de formation mais aussi l’africaine dont il se sentait héritier à plus d’un titre, mais encore la lointaine influence d’Amérique latine ou d’Asie. Cela amena d’ailleurs Bernard DORIVAL, éminent critique d’art, à faire remarquer, à juste titre, que pour les « jeunes artistes étrangers qui affluèrent vers Paris, le plus merveilleux c’est qu’en y recevant des leçons françaises, ils ne laissent pas de rester ce qu’ils sont, voire de le mieux devenir, les fils de leur pays natal et les héritiers de leur culture que tous les enseignements et les exemples de France, loin d’étouffer, épanouirent ».

Les uns et les autres (les jeunes et les moins jeunes) auront à méditer, à la faveur d’un tel événement, sur ce que signifie concrètement l’engagement conjoint dans l’art et dans la vie de la cité. Ils y trouveront peut-être à conforter leurs propres aspirations à un environnement de beauté, à un monde où le geste culturel soit partie intégrante de leur quotidien, où chacun aurait à cœur de mener son propre combat pour prolonger et parfaire l’œuvre des devanciers… enfin à recouvrer l’idéal et l’enthousiasme de notre entrée dans le concert des nations libres.

Je souhaite à quiconque franchira le seuil du MAMA à l’occasion de cette exposition d’entrer dans l’univers de Khadda avec la même ouverture d’esprit et la même soif d’apprendre qu’il a manifestées pendant sa formation, qu’il a gardées, sa vie durant, dans sa peinture et dans ses écrits. Et parions que les visiteurs en sortiront avec le sentiment d’avoir rencontré un être aussi fraternel et amical que combatif et intransigeant ; un de ces êtres façonnés dans cette pâte propice à nourrir les rêves et construire les légendes et qui nous insuffle le désir de léguer, à notre tour, une obole – si minime soit-elle - à verser dans le patrimoine collectif, la volonté de laisser, à notre tour, notre empreinte – si légère soit-elle – dans le fonds commun afin que l’une et l’autre soient transmises à nos descendants.

Au nom de tous ceux qui, de près ou de loin, ont œuvré à la réalisation de cet hommage je souhaite à tous les visiteurs la bienvenue dans l’univers de Khadda. Univers qu’il serait tellement heureux de les voir se l’approprier, le faire leur.

 

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